Friday, May 13, 2005

Polémique au Maroc : les évangélistes sont-ils une menace?

Décidément, le prosélytisme mené par les télé-évangélistes au Maroc continue de faire couler beaucoup d’encre. Cette polémique dure maintenant depuis des mois et a suscité un énorme intérêt, au point que même des médias internationaux, dont Le Monde, en avaient fait écho. Voici une interview donnée par un Pasteur de Casablanca, tentant de mieux éclaircir la réalité du phénomène. Le moins que je puisse dire sur cette question est qu’elle est bien complexe. Au delà du débat légitime sur la liberté d’agir et de conscience en religion, il est difficile de dresser, de manière cohérente, une ligne claire entre, d’une part, tirer profit des problèmes d’une société, et d’autre part, exploiter abusivement ces mêmes problèmes, pour prêcher une doctrine donnée.
Jallal

5 comments:

Jawad said...

I totally disagree with the last comment. The argument advanced by those who argue for anti-proselytizing measures rests on the assumption that people are weak-minded and can not independently think for themselves on issues of faith. That's insulting to the very spirit of humanity and it promotes a sense of supremacy among people. That is: a group of people know what's best for the rest of you (b/c they are mentally superior) and therefore can freely impose their conclusions on you - isn't that tyranny??? If it isn't, it's certainly how tyranny starts.

The Arab world in particular has long insulted and mistrusted the intelligence of its own people - it's time for that to stop. free dialogie is the mark of a great society - it was after all the mark of the golden age of Islam, when both jews and Christians fled repressive European regimes to settle in Muslim lands where intellectual discourse was widely encouraged and respected.

Jallal EL Idrissi said...

Mehidou, je trouve que ta réponse a le mérite d’être cohérente. Toutefois, d’une part je la trouve un peu défensive, et d’autre part, elle idéalise le monde occidental, et en fait, je devrais dire, le monde non musulman.

- Elle idéalise le monde occidental, car, aux US, d’où la plupart des télé-évangélistes, atterrissant au Maroc proviennent, tout le monde n’est pas riche. Les estimations dont j’avais eu connaissance il y a quelques années situent le nombre de pauvres aux alentours de 40 millions! De plus, les musulmans en Occident ont eu toujours l’habitude de cibler, entre autres, les pauvres, les démunis et les gens ayant des problèmes sociaux en général. D’ailleurs, Malcom X, l’activiste admiré dans tout le monde musulman, n’a t-il pas eu son premier contact avec l’Islam en prison. Ce fut par l’intermédiaire des hommes de Elijah Mohamed, même si celui-ci représente une version déformée de l’Islam. L’idée est que plein de prêcheurs musulmans ont pris comme cible les prisons et les milieux sociaux défavorisés dans le monde occidental.

- Je la trouve un peu défensive car la réponse à l’acceptation du prosélytisme ou non, devrait être indépendante de l’état d’une société. Car, à mon avis, ta condition sur l’éducation souhaitée de la population marocaine ne sera vraisemblablement jamais satisfaite simultanément par toutes les sociétés. Par le passé, on peut également juger que tous les peuples s’étant convertis à l’Islam, des Egyptiens aux Berbères en passant par les Asiatiques et les Africains, n’avaient pas tous le degré de recul et maturité nécessaires. Or on n’entend pas les musulmans critiquer ces histoires de conversions.

A la lumière de ces deux points, je pense que nous ne devrons rien interdire, laisser les gens décider en leur conscience ce que bon leur semble. La mesure d’interdiction serait aussi, à mon avis, le reflet de l’immobilisme d’une société qui préférerait plutôt le statu-quo qu’agir. Agir ici veut dire que la société même si elle accepte le prosélytisme sur son sol ne restera pas les bras croises, mais fera du contre-prosélytisme en mieux éduquant ses couches les plus défavorisées, en améliorant l’enseignement de l’Islam pour lui donner un visage plus humaniste et plus crédible que la religion prêchée par les télé-évangélistes, etc.

Il reste néanmoins la question sur la distinction, si distinction il y a, entre tirer profit ou exploiter abusivement les problèmes d’une société pour essayer de convertir les gens.

Jallal EL Idrissi said...

First, welcome Jawad to our blog!
I agree with your statement that anyone should be free to preach his or her religion. The only remaining issue, as far as I am concerned, is the abusive exploitation of poverty and other weaknesses for such a preaching. By abusive exploitation, I mean any behavior, conduct or attitude that does not abide by ethics’ standards. I have heard that some preachers promise to their potential followers money, jobs, etc in order to make their religion a more appealing one. The point is, we should be aware that such an abusive conduct from preachers should be seen as corruption and bribing which might actually prevent people from freely choosing their religion. Even forbidding preaching on this ground is not an easy task, because the frontier between abusive vs. non abusive conduct is not always clear. It goes without saying that what I say here apply to all preachers, Muslims included. Other than that, preaching one’s religion, I agree, should be allowed to everybody.

Anonymous said...

la majorite des gens qui contre sont le prosélytisme a l'interieur des pays musulmans le sont pour des raisons purement religieuses. ces gens la dans leur grande majorite vont essayer, pour se defendre, de ramener l'argument de pauvrete, analphabetisme et ainsi de suite. moi je suis d'accord avec Jallal et d'avis que chacun est libre de choisir la religion qui le convient. promouvoir une religion autre que l'islam doit etre permis et accepte. ceci dit des regles doivent etre regis pour combattre les abus.

PS: mere theresa n'apportait pas de l'aide au non chretien.

Jallal EL Idrissi said...

Mehidou,

Je ne trouve rien de problématique dans ton premier paragraphe. Tout musulman convaincu devrait avoir le souci que tu as élucidé.
Revenons à la question de protéger ou non les plus démunis d’une société. Primo, j’ai déjà répondu plus haut à l’allégation selon laquelle le contexte mondial actuel ne serait pas favorable au monde musulman. Je répète ici qu’un contexte mondial "neutre" ne sera jamais réalisé dans le monde. A chaque époque, des sociétés seront plus évoluées que d’autres. Dés lors, on ne peut récuser le prosélytisme sur cette base, en se disant qu’à l’époque actuelle, ce sont nos sociétés qui sont désavantagées. L’acceptation du prosélytisme ou non devrait être une conviction indépendante du temps.
Maintenant, même en faisant abstraction de cet argument, j’ai deux éléments supplémentaires sur la question des démunis et des pauvres. D’abord, je pense qu’en fait, plus que le nombre des démunis ou le degré de pauvreté dans une société, c’est l’état de désespoir de ses membres qui est en rapport direct avec la "vulnérabilité" face au prosélytisme. Je m’explique : Un Américain moins pauvre qu’un Marocain peut bien être plus "vulnérable", s’il tenait plus à une vie de confort, s’il venait de perdre son boulot ou s’il vit dans la crainte permanente de le perdre, s’il n’a pas le soutien familial (comme c’est souvent le cas), etc. En tenant compte de tous ces éléments, je suis convaincu que les Américains sont beaucoup plus "vulnérables" que les Marocains par exemple. Parler du degré de désespoir plutôt que de la pauvreté, permet d’intégrer d’autres facteurs qui n’ont rien à voir avec la pauvreté et l’ignorance. J’en ai déjà mentionne un, le soutien familial en l’occurrence. Mais il existe d’autres, comme le matérialisme régnant et le vide spirituel manifeste dans la plupart des sociétés occidentales. Si on avance comme argument contre le prosélytisme la pauvreté et l’ignorance, un religieux occidental pieux, pour le révoquer, pourrait non seulement avancer l’état de désespoir qui sévit chez une large frange de la société Américaine (ou une autre) mais aussi le matérialisme et le vide spirituel régnants. Il pourrait légitimement aussi demander qu’il faut attendre à ce que sa société devient moins matérialiste et retourne à la religion chrétienne (ou autre) avant d’accepter tout prosélytisme. Enfin, le second élément est un constat. Malgré tous les désavantages dont tu as parlés, Mehidou, il n’en demeure pas moins que la conversion des musulmans au christianisme reste marginale par rapport à la conversion des chrétiens a l’Islam (de l’ordre de 80 000 musulmans par an aux US). Et ce n’est pas seulement en raison de la simplicité du message Islamique, mais aussi du fait que les musulmans ont eu recours au prosélytisme à une plus grande échelle et surtout parce que les pays occidentaux n’ont pas émis des réserves sur le prosélytisme dans leur sol.